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Le regard de Franz, après avoir parcouru rapidement la plate-forme qui était vide, revint vers Gertraud ; la jeune fille tremblait à son bras, ses traits exprimaient de l’angoisse et de l’horreur.

Franz ne devinait point la cause de ce trouble subit et inexplicable.

— Qu’avez-vous, petite sœur ? murmura-t-il.

Gertraud resta muette ; son regard se détournait maintenant de la plate-forme avec une sorte d’épouvante.

Son bras était glacé sous le bras de Franz. Malgré le vent de cette matinée d’hiver, des gouttes de sueur perlaient sous ses beaux cheveux. Ses jambes fléchissaient.

Elle avait cet aspect immobile et morne que la fable prête aux malheureux frappés par l’aspect redoutable de la face de Méduse.

Tandis que Franz parlait naguère de ses craintes et de ses espoirs, Gertraud, qui l’écouîait avec l’intérêt tendre d’une sœur, avait le visage tourné vers le piédestal vide de la Tête-du-Nègre.

Ses yeux se fixaient au hasard sur la plate-forme et mesuraient, à son insu, l’énorme vide laissé par la roche tombée.

Elle avait vu surgir tout à coup sur le rebord même de la pierre un front livide que couronnait une chevelure hérissée, puis lentement, lentement, le reste d’un visage plus pâle que celui d’un mort.

Franz prononçait en ce moment le nom de Jean Regnault.

Cette tête de fantôme qui se penchait au-dessus du vide et dont le corps disparaissait derrière les roches, jetait du côté de la cabane un regard épouvanté.

Il y avait sur ses traits une agonie terrible et une épouvante que nulle parole ne saurait peindre.

L’apparition ne dura pas plus d’une seconde ; le pâle visage se cacha derrière le bord de la plate-forme, et lorsque Franz se retourna, on ne voyait déjà plus rien.

Mais Gertraud avait eu le temps de reconnaître Jean Regnault.

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