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et se trouvaient engagés parmi les rochers qui parsemaient, de ce côté, toute la base de la montagne.

— J’espère toujours, disait Franz, j’espère plus que jamais, car elle m’aime !… Mais que d’incertitude, ma pauvre Gertraud !… quand il faudrait si peu de chose, un nom et de la fortune, pour être parfaitement heureux !

— Vous appelez cela peu de chose ?… murmura la jeune fille.

— Fût-elle pauvre et fille d’un mendiant, répliqua Franz, j’aurais encore tant de bonheur à l’aimer !…

Ces paroles vont tout droit au cœur des femmes.

— Vous êtes bon, monsieur Franz, reprit Gertraud, et quelque chose me dit que vous ne souffrirez pas longtemps… mais, par grâce, ne méprisez pas ainsi les avis de ceux qui vous aiment !… prenez garde…

— Vous aussi ? interrompit Franz avec reproche.

Puis un sourire malin éclaira les jolis traits de son visage.

— Écoutez, petite sœur, reprit-il, vous êtes ma confidente… je ne vous cache rien, à vous… À vrai dire, je ne m’occupe pas beaucoup de tous ces dangers réels ou imaginaires : mais, cependant, je ne suis pas si aveugle que j’ai voulu le faire paraître… sans admettre que je sois le point de mire d’une troupe d’assassins et que chacun de mes pas soit menacé d’un piège, je commence à croire que j’ai des ennemis… et cela soutient en moi ces espoirs que vous étiez toute prête à traiter autrefois de folie.

— J’ai changé, dit Gertraud sans réfléchir.

Franz la regarda en face, mais il ne l’interrogea point encore.

— Mon ennemi naturel, poursuivit-il, est d’abord monsieur le chevalier de Reinhold… je crois cet homme capable de tout… et comme il a sujet de me haïr… je tuerais celui qui me prendrait le cœur de Denise !

Ses sourcils se détendirent.

— Pauvre chevalier ! continua-t-il avec une gaieté railleuse, je l’ai vaincu malgré son blanc et son rouge, malgré ses pantalons à mollets, malgré son corset, malgré sa perruque blonde !… Pour en revenir, petite Gertraud, j’ai joué l’incrédulité auprès de votre père, afin de l’impatienter et de le faire parler.