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défis de mon importun et je courus après la chasse… Au premier coup que je tirai, le fusil éclata entre mes mains…

— Sainte Vierge ! dit Gertraud avec effroi ; vous fûtes blessé ?…

Hans Dorn était tout pâle.

— Pas une égratignure ! s’écria Franz ; mais eussé-je été blessé, à qui la faute ?… On ne peut pas empêcher l’Allemagne, qui est le pays classique de la pacotille, de produire des fusils détestables !

» La blessure que j’ai reçue provient d’une autre chasse, une chasse au sanglier… Je n’ai jamais bien su lequel de ces Messieurs eut la maladresse de m’envoyer une balle dans l’épaule… ce fut un bien petit malheur !… et, en conscience, je ne l’avais pas volé, car je fis la folie de quitter mon poste pour m’avancer dans la voie… le tireur inconnu me prit sans doute pour la bête… »

Hans Dorn avait les yeux cloués à terre et ses sourcils se fronçaient ; Gertraud joignit les mains.

Franz poursuivit d’un ton de gaieté croissante :

— Quand les Parisiens se mêlent d’aller à la chasse, il arrive comme cela toujours de petites aventures !… mais il en est une autre que je ne donnerais pas pour beaucoup d’argent, quoique j’aie bonne envie de vous payer ma dette, père Dorn… j’avais toujours eu désir de voir face à face quelques-uns de ces beaux brigands d’Allemagne, qui donnent tant de couleur aux romans et aux drames d’outre-Rhin… ma foi, mon désir a été exaucé l’autre jour !

— Vous avez été attaqué ? dit vivement le marchand d’habits.

— Assez bien, répliqua Franz, à l’heure convenable et dans un lieu commode, par trois grands gaillards, costumés dans le dernier goût de Messieurs les bandits.

Gertraud se prit à trembler ; ce péril était bien plus que les autres à la portée de son intelligence.

Hans écoutait, immobile et le cœur serré.

— La nuit tombait, poursuivit Franz qui cherchait évidemment cette fois à mettre de l’intérêt dans son récit ; c’était au fin fond des grands bois qui bordent la traverse d’Esselbach à Heidelberg… J’allais seul et au hasard, songeant à toutes sortes de choses que je n’ai pas besoin de dire à