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sur la poitrine de larges plaques de marchands d’habits, auprès d’eux la grande duchesse et la petite Bouton-d’Or, qui, ayant quitté leurs costumes de bal pour des toilettes plus modestes, battaient comtois de tout leur cœur.

— Si c’est possible de voir un plus joli montant (pantalon) ! disait Bouton-d’Or avec enthousiasme. C’est bath (beau)… mais bath pour de bon !… ça ne se porte que sur les boulevards chics !

— J’en donne deux croix (12 francs), ajoutait la duchesse.

Blaireau retirait le pantalon d’un air indigné.

— Deux croix et deux petits Philippes avec, ma fée (fille), répliquait-il ; pour une pièce comme ça, ce n’est pas trop de dix-huit points (francs).

Polyte regardait le pantalon d’un air triste.

— Le fait est qu’il est batif (gentil) tout de même ! murmurait-il avec convoitise ; dommage que j’ai tout bu ?…

Batailleur arrivait en ce moment escorté de madame Huffé, sa suivante.

— Oh ! oh ! s’écria Bonnet-Vert, voici la fine des fines… une arcassienne (maligne), rompue, quoi !… Il n’y a pas à lui jouer l’harnache à celle-là ! Deux croix sèches, maman Batailleur, et un bouillon en deux verres (un demi-setier en deux canons), pour mouiller le marché !

Batailleur fit sonner le drap entre ses doigts.

— Allons, dâbuge (la mère), reprit Mâlou, achetez-moi ça pour faire plaisir au petit Polyte, qui est gentil comme tout !

— J’en donne une croix, dit Batailleur, qui ne songea point à se scandaliser.

— Deux croix ! riposta Mâlou.

— Je mets le petit Philippe…

— Allons ! un point de plus, et c’est fait !… Tenez, voilà l’ami Polyte qui me l’aurait acheté mieux que ça, mais…

Réguisé ! (gueux), répondit Bouton-d’Or avec un geste intraduisible ; pas un radis, le pauvre mignon !…

Batailleur se tourna vers Polyte, qui faisait le moulinet avec sa canne pour se donner un maintien. Madame Huffé eut l’honneur de lui envoyer de loin une belle révérence.