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Franz avait causé souvent avec les bonnes gens de la montagne ; il savait l’histoire de l’antique forteresse et les mille légendes qui couraient sur les seigneurs à la tête sanglante.

Il n’y avait plus d’héritier pour ces gloires…

Franz soupirait et suivait à pas lents la voie tortueuse qui menait des remparts aux maisons du village.

La rêverie de Franz se faisait triste ; il se représentait cette blonde fille d’Allemagne, la dernière comtesse, mourant captive derrière ces sombres murailles. Elle n’avait pas vingt ans, et les vieillards qui l’avaient vue parlaient, les larmes aux yeux, de sa douceur et de sa beauté angélique.

Ce n’était point là un de ces drames qui vous apparaissent à travers le voile des temps, une noire tragédie du moyen âge. Quelques années à peine avaient passé sur la légende funèbre, et il y avait de nombreux témoins pour parler encore de la belle Margarethe et de Gunther de Bluthaupt, cet étrange vieillard, adonné aux sciences magiques, qui occupait ses nuits à faire de l’or.

Franz arrivait à un endroit où le sentier, changeant de direction brusquement, tournait autour d’une perrière abandonnée ; ce coude lui montra le château sous un autre aspect ; il voyait maintenant la partie des remparts où avait été tiré le feu d’artifice.

Au-dessus de l’enceinte basse et confondue avec le roc taillé à pic, il apercevait la fenêtre de Lia ; cette fenêtre où le charmant visage de mademoiselle d’Audemer venait tous les jours lui sourire.

Adieu rêves et légendes ! Un rayon de soleil perça la brume mélancolique ; tout semblait se réjouir autour de Franz, dont le cœur bondissait d’espérances et de joie.

Denise l’aimait ! cette fenêtre lointaine lui semblait comme un point lumineux au milieu de la sombre citadelle.

Le soleil levant, qui perçait à grande peine le brouillard, mettait aux carreaux étroits des reflets roses.

C’était comme un sourire.

Franz releva sa joue mutine où jouaient les boucles humides de ses cheveux ; il avait oublié sa tristesse ; il envoya de loin un baiser vers la fenêtre et reprit sa route gaiement.