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les portes du château ; le couvre-feu sonnait au beffroi, et la consigne des arbalétriers, veillant au-dessus du pont-levis, était de mettre à mort quiconque tenterait de sortir, fût-ce le seigneur comte lui-même.

On dit que madame Berthe dormait bien paisiblement, sur la foi de cette consigne héroïque.

Quand les bonnes âmes des manoirs voisins venaient lui parler des déportements nocturnes de son seigneur, elle souriait finement dans le haut collet de sa robe, et montrait de son doigt blanc la tour de garde où se postaient les veilleurs de nuit.

Les bonnes âmes en étaient pour leurs avertissements charitables.

Mais le diable, en vérité, n’y perdait rien.

Tous les soirs, une heure après le couvre-feu, le Comte Noir éteignait sa lampe ; il était censé se coucher. Au lieu de cela, il ouvrait la porte de sa chambre à petit bruit et gagnait, suivi par quatre ou cinq écuyers, mécréants comme lui, mais les plus joyeux vivants du monde, la chapelle de Bluthaupt.

Il y avait un passage souterrain qui commençait quelque part dans la chapelle même ou dans les caveaux funéraires, et qui aboutissait, la tradition ne savait où…

Suppléant ici à la tradition mal informée, nous dirons que le passage aboutissait derrière le château, sous le rempart, à la place même où nos trois voyageurs de la chaise de poste aux stores baissés avaient formé une manière d’échelle humaine pour atteindre jusqu’au mortier traîtreusement braqué contre le jeune Franz.

La légende ne savait point non plus, et, sur ce, nous ne sommes pas mieux instruits qu’elle, si le Comte Noir avait fait pratiquer lui-même le passage souterrain, ou s’il l’avait trouvé tout fait.

Sincèrement, nous pensons qu’il était bien capable d’en avoir eu la première idée.

Quoi qu’il en soit, il en usait immodérément. De la bouche du passage, fermée par un quartier de roc, jusqu’à la pelouse située de l’autre côté du fossé, la route était difficile ; mais le comte et ses écuyers damnés avaient de bonnes jambes et ne s’inquiétaient point de si peu.

Tant que durait la nuit, ils couraient les environs à cheval, menant