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niel auprès du reste… je laisserai de côté même la comtesse Esther, pauvre femme, qui eût été bonne sans vous et dont vous poursuivez l’éducation avec tant de patience !… Je commence à votre jeune sœur Lia…

» — Une hypocrite !… qui me déteste et qui m’aura calomniée… mais s’il vous plaît, Monsieur, d’où savez-vous ce qui la concerne ?

» — D’où sais-je le reste ?… C’était un enfant…

» — Un ange, n’est-ce pas ? interrompit-elle d’un accent de raillerie.

» — Un ange, Madame !… Et devant son innocence toute votre astuce s’est brisée !

» Elle se força de rire.

» — Les lettres n’étaient pourtant pas de votre écriture, Monsieur le baron, murmura-t-elle ; ainsi je ne puis dire que votre enthousiasme soit intéressé… mais, au demeurant, qui peut savoir ? Les anges ont parfois plus d’un fervent… parmi ces fervents, les uns écrivent, les autres agissent…

» Le rouge de l’indignation me monta au visage… »

Ici, Otto s’arrêta brusquement, comme s’il eût craint d’en avoir trop dit.

Albert et Goëtz ignoraient encore le nom de la famille de Sara, et ne connaissaient point sa jeune sœur. Ils ne comprenaient trop rien à cette partie de l’histoire, sur laquelle Otto ne jugea point à propos de leur fournir une explication.

Ils avaient remarqué seulement, sans y attacher d’importance, que la voix de leur frère venait de prendre un singulier accent de chaleur.

Il poursuivit, mais son ton redevint tout à coup froid et calme.

— Sara m’interrompit en redoublant d’ironie.

» — Passons, Monsieur le baron, dit-elle, et laissons-là cet ange dont je n’ai pu ternir la candeur… Après ?

» — Passons, en effet, Madame, répondis-je, car ici la loi des hommes ne peut rien… Arrivons à votre mari, que vous avez ruiné d’une main si patiente, et que vous assassinez avec tant d’ingénieuse barbarie !…

» — Calomnies et démence, Monsieur !… passez !

» Elle ne riait plus, pourtant, et sa lèvre tremblait.

» — Je passe, Madame, et j’arrive à votre fille…