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L’usurier ne comprit point ; mais ces paroles lui donnèrent l’idée que Rodach voulait protéger la petite fille.

Il se força de sourire.

— Je suis bon, répondit-il d’un ton mielleux et paternel ; ma petite Nono est bien heureuse avec moi… N’est-ce pas, ma petite Nono ?

— Oui, répondit l’enfant qui tremblait.

Rodach, préoccupé d’intérêts bien graves, n’en demanda pas davantage ; il sortit.

Dès qu’il fut dehors, Araby se dressa de tout son haut ; il remit les verrous à la porte et appela du doigt la Galifarde.

Il souriait encore, mais ses dents grinçaient.

Nono vint vers lui, en pleurant d’avance.

Quand elle fut à portée, l’usurier la saisit aux cheveux et la renversa sur le carreau. La fureur achevait de le briser. Il se coucha de tout son long auprès d’elle.

Sa bouche écumait ; ses membres étiques s’agitaient convulsivement.

La Galifarde fermait les yeux et retenait son souffle, fascinée par l’épouvante. Si Araby avait eu la force, il l’aurait tuée.

Mais la force lui manquait. Il ne put qu’enfoncer ses doigts crochus dans la chair de l’enfant, qui, pauvre martyre, n’opposait aucune résistance.

Il tâchait ; le sang coulait le long de sa main velue.

Il riait de rage impuissante. Il blasphémait. Ses cris aigres et hideux étouffaient les plaintes faibles de sa victime.

Et il balbutiait, parmi sa fièvre insensée, ces paroles qui l’excitaient sans cesse et qui rendaient ses ongles plus aigus :

— Cent trente mille francs !… cent trente mille francs !…