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portes : celle de la salle d’armes qui envoyait jusqu’à moi des cliquetis de fer et des cris d’assaut, celle par où j’étais entré et deux autres, symétriquement placées à ma droite et à ma gauche.

» La porte de droite avait donné issue au groom. Mon regard, qui faisait le tour de la chambre, s’arrêta sur celle de gauche, dont la draperie fermée retombait jusqu’à terre.

» Il me sembla que le rideau de soie s’agitait légèrement ; je regardai mieux ; une ouverture se fit ; une tête s’encadra dans les plis écartés de la draperie.

» Éva !… m’écriai-je en m’élançant.

» Les draperies étaient retombées ; je les écartai de nouveau, et mon regard plongea dans un délicieux boudoir, au centre duquel une pile de coussins s’affaissait sous le beau corps d’Éva…

» Elle mit un doigt sur sa bouche, puis elle m’envoya un baiser…

» J’entendis le talon éperonné du serviteur hongrois résonner sur les dalles de la chambre voisine, et je me hâtai de laisser retomber la draperie.

» — Venez, me dit le groom.

» Le cliquetis de fer et le bruit de sandales avaient cessé ; on m’introduisit dans le cabinet du seigneur Georgyi, situé à droite de la salle d’armes.

» Le Madgyar était assis devant son bureau ; il n’avait pas pris le temps de quitter la veste de cuir matelassée qui portait d’innombrables marques de coups de sabre ; il essuyait ses cheveux et son front baignés de sueur.

» — Je vous reconnais, me dit-il brusquement et sans m’engager à prendre un siège ; je me souviens que vous avez essayé de me faire peur autrefois, à l’aide de je ne sais quelle ressemblance… Pourquoi êtes-vous revenu ?

» L’accueil était assez décourageant, d’autant que notre frère Otto m’avait recommandé de rester dans les voies pacifiques ; parlez-moi du digne Van-Praët pour recevoir son monde !…

» Il y avait deux manières de se conduire ; je ne pouvais pas, comme vous, mon frère Goëtz, jouer une très-spirituelle comédie ; on ne m’en