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» Donc, nous sommes en Hollande, dans la cité nette et propre d’Amsterdam.

» Nous entrons dans une maison propre et nette, lavée à grande eau, comme un chaudron, depuis les caves jusqu’au grenier ; un domestique batave vient prendre mon nom et fait crier le plancher sous un pas lourd pour aller dire, d’une voix nasillarde, à la porte de son maître :

» — Herr Van-Rodach !…

» Je m’avance. Du diable si je reconnais ce gros petit vieillard, court et chauve, à la face lustrée comme un poupard de cire ; je ne l’avais vu qu’une fois, là-bas, à Bluthaupt, et il y avait vingt ans de cela.

» Le petit vieillard, au contraire, me reconnut parfaitement et au premier coup d’œil, grâce sans doute à une visite que vous lui aviez faite, comme chargé d’affaires de Zachœus Nesmer.

» Il m’honora de l’accueil le plus cordial. Nous dînâmes. Je vous en prie, ne vous impatientez pas ; le dîner fait ici partie intégrante et nécessaire de mon histoire.

» Il commença vers midi et demi, il finit vers quatre heures, parce que le bon meinherr Van-Praët était couché sous la table.

» Ah ! ah ! il paraît que le digne homme ne veut pas qu’on sache cela ! Quel mal pourtant !…

» Je dois dire que c’est un fort aimable convive et d’un excellent caractère ; sa cave est particulièrement distinguée. Il boit sec ; il cause bien, et il fait volontiers sa partie au dessert.

» Nous n’avons eu ensemble que des relations très-agréables, et nous n’avons pas quitté un seul instant le ton de la plus parfaite cordialité.

» C’est lui, ma foi, qui me porta le premier défi… Nous étions à manger je ne sais quel poisson, avec des pommes déterre bouillies et du beurre fondu, quand il décoiffa son premier flacon de Porto.

» — Monsieur le baron, me dit-il, n’êtes-vous pas des environs de Heidelberg ?

» — Si fait, meinherr… je suis né bien près du beau château de Rothe, qui appartient maintenant aux associés de Mosès Geld.

» — Oh ! oh ! s’écria-t-il, le beau château de Rothe ne leur appartiendra pas longtemps désormais… non plus que le beau château de Blu-