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chaise de poste passa comme un tourbillon sur la droite de la route.

Les chevaux, baignés de sueur, fumaient ; les roues glissaient sur le sol avec une inconcevable rapidité. C’était comme une locomotive lancée à toute vapeur.

Les voyageurs de la dernière diligence eurent à peine le temps d’apercevoir cette chaise qui disparut pour eux dans un nuage de poussière. Ils purent remarquer seulement qu’elle avait un aspect mystérieux et bizarre ; les stores en étaient fermés hermétiquement ; on ne voyait que le postillon penché en avant et fouettant ses chevaux à tour de bras.

En dépassant la seconde diligence, la chaise de poste ralentit imperceptiblement sa course fougueuse ; une main souleva l’un des stores rouges et fit un signe.

Hermann et les Allemands qui étaient sur l’impériale, poussèrent en chœur une acclamation.

Hans, assis dans l’intérieur, se pencha tout entier en dehors de la portière et mit sa main sur sa poitrine.

Le store rouge retomba. La chaise de poste rasa le sable comme une hirondelle dont l’orage menaçant abaisse le vol, et disparut au loin dans la nuit naissante.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

La nuit se faisait noire ; la chaise de poste aux stores baissés courait toujours, silencieuse et rapide.

Bien que la fête de Geldberg fût avancée, il y avait encore sur la route d’Allemagne bon nombre d’invités retardataires, et les berlines de voyage abondaient.

Si bien attelés que fussent ces équipages fashionables, la chaise de poste les devançait tous.

Tant qu’il avait fait jour, les commentaires n’avaient pas manqué ; cette voiture close dont les chevaux, lancés à fond de train, semblaient disputer un prix de course, avait excité partout la curiosité.

— C’était une gageure ; c’était un Anglais, rongé de spleen, qui se cachait entre quatre murailles de bois comme un chat-huant dans son trou ; c’était un banqueroutier fuyant vers la frontière ; c’était, enfin,