Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/144

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dès qu’il fut seul dans son bureau, il se dirigea vers le monceau de guenilles qui cachait son coffre-fort ; il écarta les loques, comme nous l’avons déjà vu faire une fois, le jour où M. le baron de Rodach vint lui demander cent trente mille francs.

Mais il ne les écarta pas précisément au même endroit, et au lieu de découvrir la caisse seulement, il mit à nu le sol.

À l’aide d’une vieille lame de fer sans manche, il descella deux carreaux qui joignaient leurs voisins, mais que nul ciment ne retenait.

Sous les carreaux, il y avait deux petits bâtons croisés. Araby les enleva.

Il était en présence d’un trou assez profond qu’il avait creusé de ses mains. C’était à cette tâche qu’il employait, depuis huit jours, la dernière heure de sa journée.

À côté du trou se trouvait encore la terre qu’on en avait extraite.

Araby se releva et ouvrit son coffre-fort.

Il y introduisit ses mains qui frémissaient par intervalles, et semblaient communiquer à tout son corps des secousses nerveuses.

Il ramena sur le devant des planchettes tout le contenu de la caisse, consistant en cinq ou six paquets de très-petite dimension, faits à l’avance et ficelés soigneusement.

Les plus gros de ces paquets étaient lourds au toucher et semblaient contenir des rouleaux d’or ; dans les autres, il n’y avait que des papiers, des billets de banque peut-être, car le bonhomme les contemplait avec un étrange amour.

Il resta durant quelques minutes devant son trésor, ainsi arrangé, comme on demeure, triste et muet, devant un ami cher qui porte un costume de voyage.

La bouche hésite à s’ouvrir, quand elle va prononcer des paroles d’adieu.

Il y avait sur le visage du vieillard une douleur profonde et solennelle.

Ses mains se joignirent ; un gros soupir souleva sa poitrine ; il se prit à parler doucement en langue allemande ; sa voix trouvait des accents tendres et mélancoliques.

On eût dit une plainte d’une mère, auprès du berceau de son enfant décédé.