Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Celle-ci détourna les yeux, comme si une voix mystérieuse l’eût accusée tout haut d’homicide…

— L’enfant vit-il donc encore ? demanda Van-Praët.

— Madame et ces Messieurs, répondit Rodach, vous donneront à ce sujet tous les renseignements nécessaires.

Il se dirigea vers la porte.

Une rage sourde rongeait le cœur de Petite ; c’était la première fois qu’elle était vaincue ; elle sentait trop rudement le pied qui pesait sur sa gorge.

Elle était tout auprès du Madgyar, plongé dans une sorte d’engourdissement apathique.

Son œil eut un rayon d’espoir.

— Oh ! si je n’étais pas une femme, dit-elle, jetant ces paroles calculées à l’oreille même d’Yanos, cet homme ne sortirait pas vivant d’ici !…

Yanos se redressa brusquement. Ce fut comme l’étincelle qui touche une traînée de poudre.

D’un bond il se mit entre le baron et la porte.

— Je suis un homme, moi ! s’écria-t-il, répondant sans le savoir aux paroles de Petite qu’il avait entendues comme en un rêve ; je ne te parle plus de mon argent, baron de Rodach !… je te parle de mon honneur outragé !… Tu ne sortiras pas d’ici !

Tout le monde s’était levé, personne ne comprenait le sens de cette accusation nouvelle.

Rodach se tenait debout, les deux bras croisés sur sa poitrine en face d’Yanos, dont la fureur, longtemps contenue et faisant soudainement éruption, le rendait ivre.

La face d’Yanos avait des tiraillements convulsifs ; les veines de son front se gonflaient comme des cordes ; ses yeux arrondis s’emplissaient de sang.

Ses pistolets tremblaient dans sa main, à deux pouces de la gorge de Rodach.

Celui-ci ne sourcillait pas ; c’était toujours la même figure, sereine et belle, miroir d’une âme intrépide, sur laquelle les événements extérieurs semblaient n’avoir point d’empire.