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— Je n’accepte pas entièrement l’offre que vous m’avez faite, reprit le baron ; la direction générale des affaires est trop bien entre vos mains pour que je songe à vous l’enlever… Seulement ne vous étonnez pas si je parle ainsi devant Madame et ces Messieurs : j’ai dû les mettre au fait de nos récentes entrevues, de mes rapports avec feu le patricien Nesmer et de ma position vis-à-vis de vous ; seulement, disais-je, comme j’ai appris par expérience à me défier de la faiblesse humaine, je veux garder par devers moi toutes les garanties que les circonstances me procurent…

— Moi, disait pendant cela madame de Laurens à Van-Praët, je ne suis qu’une femme… je ne puis rien… Mais vous !…

— Eh ! chère enfant ! répliqua le Hollandais, que voulez-vous faire contre ce diable d’homme ?…

Sara désigna le Madgyar d’un signe de tête rapide ; il avait le front courbé jusque sur sa poitrine ; ses poings, crispés violemment, reposaient sur ses genoux.

Une rêverie sombre l’absorbait ; il ne faisait plus guère attention à ce qui se passait autour de lui.

— Lui !… murmura Van-Praët, répondant au signe interrogateur de Sara ; s’il s’agissait de coups de sabre ou de pistolet, à la bonne heure !

— Quand on n’a pas d’autres moyens… prononça tout bas madame de Laurens.

— Peste ! fit Van-Praët en souriant, vous êtes une femme forte, ma petite Sara !… On m’avait bien dit quelque chose d’approchant… Mais écoutons un peu M. le baron ; ce qu’il dit nous regarde.

Ils prêtèrent l’oreille.

— J’ai mis les titres de meinherr Van-Praët, poursuivait Rodach, et ceux du seigneur Yanos avec les lettres de change de mon ancien patron, Zachœus Nesmer, dans cette cassette que vous savez… La cassette est, comme vous pouvez le croire, en lieu de sûreté !… Elle contient maintenant bien des choses, et si votre bon sens ne me répondait pas de vos intentions pacifiques, je vous mènerais très-loin sans prendre beaucoup de peine.

— Et l’argent ? dit Mira.

— L’argent est une garantie d’une autre sorte… S’il ne s’agissait dé-