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— C’est impossible, conclut le Madgyar après quelques instants de silence, et il y a quelque nouvelle perfidie là-dessous.

— Quant à moi, dit Reinhold, je puis prouver ce que j’avance… J’ai là une lettre du baron, datée de Londres.

— J’en ai une datée d’Amsterdam, riposta Abel.

— J’en ai une datée de Paris, ajouta le docteur Mira.

Et tous trois à la fois tirèrent de leur poche les lettres reçues quelques heures auparavant.

On fit cercle ; les lettres dépliées furent mises l’une à côté de l’autre. Durant une seconde, les respirations s’arrêtèrent. On eût entendu voler une mouche dans le silence profond de la chambre du conseil.

Puis un murmure étouffé s’éleva.

C’était de la magie !…

La même main avait écrit les trois lettres !

On ne parlait plus. Les esprits étaient frappés de stupeur. La raison se voilait.

Comment expliquer ce fait inexplicable ?…

Et de vagues terreurs se glissaient parmi l’étonnement poussé jusqu’au comble. Chez quelques-uns, l’idée des choses surnaturelles s’éveillait involontairement.

— Si l’on croyait aux sorciers !… commença Van-Praët à voix basse.

— À Paris ! à Londres ! à Amsterdam !… répéta le Madgyar lentement.

— C’est à devenir fou ! dit le jeune M. de Geldberg.

Mira, Petite et Reinhold gardaient le silence, les yeux cloués au parquet.

— À Paris ! à Londres ! à Amsterdam !… répéta encore Yanos ; il faut que ce soit le diable !

Au moment où ce mot tombait de la bouche du Madgyar, l’assistance tressaillit comme au choc d’une décharge électrique. La porte de la caisse venait de s’ouvrir avec fracas, et Klaus, debout sur le seuil, annonçait d’une voix retentissante :

— Monsieur le baron de Rodach !…