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Le pistolet du Madgyar retomba, docile.

— J’ignore, dit Petite, si M. le chevalier ment ou non… mais l’impatience du seigneur Yanos m’a empêchée d’obtenir la réponse de M. le docteur.

— Et moi, celle de mon jeune ami Abel, ajouta Van-Praët ; il en faut un peu pour tout le monde.

— Monsieur le docteur, reprit Sara d’un ton d’ironie amère, prétend-il aussi n’avoir point touché les cent mille écus ?

— Je l’affirme sous serment, dit Mira sans lever les yeux.

— Ah ! ah !… fit meinherr Van-Praët, et vous, mon jeune ami ?

— Sur ma parole, répondit Abel, je n’ai pas revu M. le baron de Rodach !…

À ce nom, prononcé au hasard, toutes les têtes se relevèrent d’un commun mouvement. Puis, tous les regards se portèrent sur Abel, interrogateurs et surpris.

Il faut excepter pourtant celui du digne Van Praët, qui n’exprimait aucun étonnement.

Au bout de deux ou trois secondes de silence, il se passa un fait bizarre. Pour un instant, chaque couple d’adversaires composant ce triple duel sembla faire trêve.

Petite et le docteur échangèrent une rapide œillade.

Le Madgyar lui-même laissa tomber sur Reinhold un regard où il n’y avait plus de colère.

Mira fut le premier à reprendre la parole.

— Vous avez dit Monsieur le baron de Rodach, Abel ?… prononça-t-il, comme s’il eût pensé que ce seul nom, répété, allait amener une rectification immédiate de la part du jeune homme.

Sara, Reinhold et le Madgyar tendirent avidement l’oreille.

— Oui, répliqua Abel, j’ai dit Monsieur le baron de Rodach.

— Alors, vous vous trompez, répliqua péremptoirement Yanos.

Van-Praët sourit.

— Mon brave camarade, dit-il doucement, cette fois nous ne sommes pas du même avis… Mon jeune ami Abel a raison…

— Non pas ! s’écria vivement Petite.