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Malgré son épouvante, Reinhold eut envie de rire, tant le tour lui sembla parfait.

— Affaire jugée ! dit le gros Van-Praët qui s’administrait, de son autorité privée, l’office de président. Quant à moi, ma position était exactement la même que celle du vaillant Yanos… Il paraît que la maison de Geldberg a d’excellents et nombreux agents diplomatiques… celui qui s’est présenté chez moi ne m’était pas absolument inconnu… je dois dire que c’est un gaillard extraordinairement habile ! Il m’a demandé un pouvoir pareil à celui dont vient de nous parler le seigneur Georgyi, car mes traites étaient aussi à Paris, chez un homme d’affaires qui devait en exiger le paiement intégral aujourd’hui, sous peine de poursuites définitives… Le cher Yanos et moi nous avions échangé, à ce sujet, une correspondance tout amicale, et nous étions convenus d’agir de concert. Ce pouvoir, de manière ou d’autre, je l’ai donné… Et quand je suis tombé, comme une bombe, chez mon mandataire, à Paris, mes traites étaient allées rejoindre celles du seigneur Yanos.

Van-Praët s’essuya le front et retint la parole d’un geste.

— Voici ce que je propose, poursuivit-il, quand il eut repris haleine ; point d’esclandre !… À quoi bon ? Nous sommes de vieux camarades. Le cher docteur va rendre les cent mille écus à notre petite Sara ; Reinhold restituera les traites du brave Yanos ; mon jeune ami, Abel, me remettra les miennes… et nous dînerons tous, ce soir, avec le respectable Mosès Geld, pour célébrer notre réunion !

La sentence était, à coup sûr, toute remplie de mérite et digne du sage roi Salomon.

Néanmoins, aucun des trois associés de Paris ne sembla vouloir y acquiescer.

Le Madgyar attendit une seconde entière, après quoi sa patience fut à bout.

Il déboutonna les revers de sa redingote, sous lesquels se cachait une très-riche paire de pistolets.

Reinhold aurait voulu être au Canada.

— Faites ce que vous voudrez pour les autres, dit Yanos ; mais rendez-moi mes traites, ou je vais me faire justice moi-même !