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— C’est fini ! s’écria le docteur avec une sorte de recueillement ; il y a une muraille entre notre passé et notre avenir !… le sort lui-même ne peut plus rien contre la maison de Geldberg.

Avant que les deux associés pussent répondre, et comme le dernier coup de quatre heures sonnait, il se fit un bruit soudain dans l’antichambre.

En même temps on frappa rudement à la petite porte, donnant sur l’escalier privé par où le caissier Moreau entrait dans la pièce voisine de la chambre du conseil.

Cette porte avait été fermée en dedans pour éviter des importunités inutiles ; les associés, en effet, faisant trêve à leurs habitudes de déprédations égoïstes pour ce jour de crise suprême, avaient déposé, le matin, dans la caisse, d’un commun accord, toutes leurs ressources personnelles. Ils n’avaient plus rien, on cas de malheur.

Le sourire se glaça sur les lèvres du Portugais. Abel et Mira restèrent bouche béante et les yeux effrayés.

Le bruit redoublait dans l’antichambre. On entendait une voix de tonnerre qui ordonnait aux valets d’ouvrir.

Reinhold devint pâle comme un mort, au son de cette voix.

Quand elle se taisait, un organe doux et débonnaire se faisait ouïr à son tour. C’était alors Abel qui ouvrait de grands yeux stupéfaits.

Enfin, derrière la petite porte du caissier, une troisième voix de femme, inquiète et courroucée, qui prononçait distinctement le nom du docteur José Mira.

Les trois associés restaient immobiles auprès de la cheminée, et ressemblaient à des hommes frappés de la foudre.