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— Ah çà ! mes chers Messieurs, dit-il, pensez-vous donc avoir le monopole des ambassadeurs ?

— C’est juste ! s’écria le jeune de Geldberg.

— Décidément, ajouta Reinhold, vive la diplomatie !

Ils se donnèrent tous la main, et, pour la première fois peut-être, ce fut sans arrière-pensée : l’enthousiasme du moment gagnait jusqu’au docteur.

— Nous sommes sauvés ! dit-il, bien sauvés ! et cette catastrophe évitée n’aura servi qu’à nous donner de la prudence… Maintenant, quelques mots, je vous prie, sur nos deux grandes affaires.

— La fête et le rail-way ! s’écria Reinhold ; la fête marche… et je me suis procuré, hier soir, dans un cabaret du Temple, ajouta-t-il en se penchant à l’oreille de Mira, quatre invités qui feront merveille.

Le regard du docteur fit une question muette.

Reinhold cligna de l’œil d’un air d’intelligence.

Le jeune M. Abel ne vit point ce manège ; il avait quitté sa place et remuait des papiers sur le bureau.

— Quant au chemin de fer, dit-il de loin, ça marche à pleine vapeur !

Abel s’arrêta un peu, pour rire tout seul de sa spirituelle plaisanterie, et reprit, en brandissant un paquet de lettres :

— Dix mille demandes d’actions depuis lundi ! avant qu’il ait été fait pour un sou de publicité !… C’est merveilleux !

— Dans huit jours, ajouta Reinhold, nous aurons deux fois le capital !

— Nous l’aurons dix fois dans un mois ! riposta le jeune de Geldberg.

— Et, à notre retour du château, reprit le chevalier, nos actions se feront à deux cent cinquante francs de prime !…

Les yeux du docteur brillaient ; l’allégresse était peinte sur les visages enflammés des deux autres associés.

Quatre heures sonnèrent à la pendule. Ils se levèrent tous les trois d’un commun mouvement : c’était l’heure où la caisse fermait.

Jusqu’à cet instant, une vague frayeur était restée parmi leur joie.