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— Monsieur ! s’écria-t-il, l’œil en feu et la langue embarrassée, si je croyais que vous avez voulu m’insulter !…

— La paix ! la paix ! interrompit le grave docteur ; vous avez tous les deux bien mérité de la maison, au même degré ; car, dans l’état présent de la caisse, il eût été impossible de faire droit à l’une ou à l’autre des deux créances… Vous avez agi habilement, et je vous en remercie pour ce qui me regarde… mais je crois avoir mieux fait que vous encore.

— Ah bah ! s’écrièrent en même temps Reinhold et Abel.

— Vous allez en juger, reprit Mira ; grâce à vous, la maison est sauvée pour aujourd’hui… mais demain ?

— À chaque jour sa besogne… voulut dire le chevalier.

— Permettez, interrompit le docteur, les lieux communs n’ont jamais mis dans une caisse le quart d’un petit écu… Pour vivre il faut des fonds… et vos négociations, si habiles qu’elles puissent être, ne nous ont pas donné un centime.

— Avez-vous donc trouvé de l’argent ? demanda Reinhold.

— Nous toucherons cent mille écus demain, répondit le docteur.

Les deux autres associés relevèrent la tête, et l’indifférence dédaigneuse qui était sur leurs visages fit place à un plaisir avide.

— En vérité ?… murmura le chevalier.

— Cent mille écus ? dit le jeune M. Abel.

— Cent mille écus, répéta gravement Mira.

— Et par quelle voie ?

Mira baissa le ton involontairement et prononça le nom de madame de Laurens.

Reinhold et Abel, qui ne songeaient plus à leur dispute, se prirent à rire en même temps et d’excellent cœur.

Cette idée des cent mille écus achevait de les mettre en belle humeur.

— À vous la pomme, docteur ! s’écria Reinhold ; il y a entre votre besogne et la nôtre toute la distance du négatif au positif. Mais comment diable avez-vous osé ?…

— Oui, interrompit Abel, vous n’êtes pas très-vaillant, d’habitude, vis-à-vis de ma bien-aimée sœur…

Mira eut presque un sourire.