Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/845

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Est-ce à monsieur Araby que j’ai l’honneur de parler ? dit-il enfin à tout hasard.

Point de réponse.

Il tira de sa poche une demi-douzaine de souverains, et les déposa sur la planchette en reprenant :

— Je voudrais changer cet or contre de l’argent de France.

La main ridée s’avança et saisit les souverains qu’elle compta un à un. On entendit à l’intérieur un petit bruit de balances, puis la main ridée, passant de nouveau par le trou, compta sur la planchette, en écus de cinq francs, la valeur des souverains, déduction faite d’un fabuleux escompte.

Le baron voulut s’appuyer sur cette circonstance pour nouer la conversation. Au premier mot qu’il prononça, la main ridée fit un mouvement et le guichet se ferma.

C’était un congé en bonne forme. Mais le baron n’était pas homme à se tenir vaincu pour si peu.

Après avoir réfléchi un instant, il résolut d’attendre la venue d’un nouvel emprunteur, et resta de pied ferme à son poste.

La petite Galifarde se collait, timide, au bois de la porte, et retenait sa toux qui voulait éclater ; mais au bout de quelques instants, sa poitrine irritée se souleva convulsivement, et le baron, qui ne l’avait point aperçue encore, tourna les yeux vers elle.

À son aspect, il tressaillit légèrement, comme si une pensée soudaine eût frappé son esprit à l’improviste. Il se rangea pour laisser parvenir les rayons du jour jusqu’au coin obscur où s’asseyait la petite fille.

Durant deux ou trois secondes, il la contempla en silence ; son regard exprimait une pitié grave et profonde.

Nono la Galifarde avait baissé les yeux, et n’osait plus les relever.

— Pauvre enfant ! murmura le baron, sans savoir qu’il parlait ; qu’y a-t-il donc dans le cœur de cette femme ?

Au son de sa voix, la petite fille glissa un regard timide ; mais l’expression de pitié qui était naguère sur les traits de M. de Rodach avait déjà disparu ; le but de sa visite remplissait de nouveau sa pensée.

— Ma fille, dit-il avec une douceur froide, allez prévenir votre maître