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anneaux gracieux de leurs chevelures blondes mariaient leurs nuances amies : c’était un tableau suave comme le souriant espoir de l’adolescence.

On eût dit au premier aspect le frère et la sœur. Mais le regard voilé de Franz couvait d’ardents éclairs, et il y avait de la passion dans cette fatigue douce qui alanguissait la prunelle de Denise. L’amour perçait, l’amour charmant et jeune qui orne toutes choses et sait embellir jusqu’à la beauté.

De même que la fleur, épanouie sous l’ombrage et chèrement admirée, va trouver des nuances inconnues et nouvelles, si le soleil, perçant tout à coup la feuillée, vient mettre un rayon d’or sur sa vierge corolle…

Gertraud n’osait plus les regarder. Elle avait le rouge au front et son cœur lui pesait.

Le bruit continuait sourd, patient, uniforme, dans la ruelle du lit de Hans Dorn…

— Vous souvenez-vous, Denise, dit Franz avec lenteur, de ce bal où je vous vis pour la première fois ?… il me sembla que tout mon être défaillait, et quand j’entendis le son de votre voix, je crus que j’allais mourir… j’étais un enfant alors, et mon regard ne s’était jamais levé sur une femme… savez-vous pourquoi je vous aimai ?

— Sais-je pourquoi, j’écoutai en tremblant vos premières paroles ?… murmura Denise.

— C’est qu’il y a une chose étrange ! reprit Franz, je vous aurais aimée sans cela, car un amour comme le mien ne peut pas naître sans la volonté de Dieu… mais vous ressemblez tant à ma mère !

— Votre mère ?… répéta Denise.

— Je ne l’ai point connue, poursuivit Franz, qui secoua la tête avec tristesse ; mais j’avais son portrait suspendu dans la ruelle de mon lit comme une image sainte… Ce fut bien longtemps mon seul amour… Quand je vous vis, Denise, il me semblait voir ma mère… Jusque-là je ne l’avais comparée qu’aux anges, et je la retrouvais en vous… c’était la même beauté calme et sereine, la même franchise douce, le même regard dévoilant le même cœur… allez, Denise, c’était notre destinée ! Depuis ce premier jour, votre image s’est gravée tout au fond de mon âme, et quand je rentrais le soir sans vous avoir vue, je vous contemplais dans le portrait de ma mère…