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Gertraud baissa les yeux.

— La jeune fille, poursuivit Franz, — lui rend amour pour amour… C’est elle qui me l’a dit… Leurs premiers jeux furent communs ; jamais ils n’ont été séparés l’un de l’autre… Si on les mariait, il n’y aurait point, dans cet immense Paris, une félicité pareille à la leur !… car je vous le répète, Gertraud, ces deux enfants s’aiment du sincère amour des belles âmes ; le garçon est un noble cœur, la jeune fille est un ange.

Franz souriait ; une nuance rose descendait du front de Gertraud jusqu’à la naissance de sa gorge chastement cachée sous sa robe de laine.

— Elle est douce comme vous ! reprit Franz ; jolie comme vous, bonne comme vous !…

Il se pencha et sa lèvre effleura le front de la jeune fille.

— Ne rougissez pas, petite sœur, murmura-t-il à son oreille ; — vous êtes tout cela et mieux que cela… Eh bien ! si je suis riche comme je le crois, ajouta-t-il en relevant la tête tout à coup et avec un élan de chaleur, — qui m’empochera de doter ce jeune homme comme un frère ?… N’est-il pas mon frère, Gertraud, puisqu’il vous aime et que vous l’aimez !

L’accent de Franz donnait à ses paroles un parfum d’exquise tendresse.

Les beaux yeux de Gertraud étaient humides.

— Pauvre Jean !… murmura-t-elle, — mais il est fier et moi aussi, monsieur Franz.

Le vent avait déjà tourné dans la cervelle de ce dernier.

— Nous verrons bien ! s’écria-t-il en changeant de ton tout à coup ; — figurez-vous, petite Gertraud, que j’enrage en songeant au temps qu’il me faudra pour avoir mes meubles de Monbro !… Vraiment, je n’avais pas de soucis comme cela hier, et la fortune a bien aussi ses inconvénients… Mais à quoi pensez-vous donc, petite sœur ? vous voilà toute triste !…

Gertraud pensait à Jean.

— Voyons ! de la gaieté ! s’écria Franz en redoublant ses caresses — Je vous donne ma parole d’honneur que nous serons tous heureux !

Tandis qu’il parlait ainsi joyeusement et le rire aux lèvres, une expression de mélancolie vint voiler de nouveau son gracieux visage.

— Il y a deux heures à peine que tout cela m’est arrivé, murmura-