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renfermé dans une réserve complète. Gertraud pensa qu’il fallait se taire également.

Il fallait feindre l’ignorance. Et pourtant à mesure qu’elle réfléchissait, il lui était impossible de garder même un doute.

Cette étrange histoire, racontée par le jeune homme, prenait pour elle un caractère frappant de vérité. Le mystérieux agent de cette féerie était bien son père, sous les ordres du cavalier allemand.

N’avaient-ils pas parlé de Franz tous les deux dans la matinée ?

Et quel amour inexplicable Hans Dorn avait montré pour cet enfant inconnu !

Et puis encore, au moment où finissait l’entretien, le cavalier allemand avait demandé l’adresse de Franz. Et c’était elle-même, Gertraud, qui avait été chercher cette adresse auprès de mademoiselle d’Audemer.

La réponse, cependant, demeurait suspendue sur sa lèvre. Elle n’osait plus ; il y avait une rougeur épaisse à son front qui ne savait point mentir.

Ses yeux baissés évitaient les regards de Franz.

Celui-ci l’examinait toujours attentivement. Il y avait sur son visage une expression complexe et malaisée à définir.

On eût dit une grande joie contenue et cachée sous une apparence de dépit.

— Vous ne voulez pas me répondre ? prononça-t-il d’un ton de tristesse. — Vous aussi, vous me trompez, Gertraud !

La jeune fille rougit davantage, mais elle ne répliqua point encore ; elle souffrait véritablement ; elle était entre son père et Franz : Franz qui l’appelait sa sœur et qu’elle se sentait aimer à chaque instant davantage, son père chéri, dont chaque désir était pour elle un ordre respecté.

Le cœur de la jeune fille était bon et tendre, mais elle avait pour beaucoup la nature décidée des filles élevées par un homme. Quand une fois sa volonté s’était déclarée au-dedans d’elle-même, elle se roidissait, ferme et forte.

Mais si elle avait le bon vouloir de ne point céder, ses connaissances en diplomatie n’étaient pas bien grandes. Il lui semblait que mettre fin aux questions de Franz par un refus de répondre bien net et bien positif, c’é-