Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/713

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Oh ! oui, répondit la jeune fille, dont la fraîche figure prit soudain une expression d’intérêt avide.

— Eh bien ! poursuivit Franz, cela continue… Nous marchons de mystère en mystère… Il faut que je sois le fils de quelque prince !…

— D’un prince ! répéta Gertraud naïvement.

— À moins, continua Franz, moitié riant, moitié sérieux, qu’une fée puissante n’ait pris à tâche de me protéger…

Gertraud ne répondit point ; elle écoutait.

— En tout cas, reprit Franz, je m’y perds complètement et je déclare que je ne suis pas de force à résoudre ce problème… Voici les faits, petite Gertraud ; nous verrons si vous devinez mieux que moi… Vous savez bien ce cadeau qu’une main mystérieuse avait glissé dans ma poche au bal Favart ?

— La bourse pleine d’or ? dit la jeune fille.

— Précisément !… Eh bien ! je ne suis pas encore très-vieux et je ne me pique pas d’une sagesse énorme… Cette bourse, d’ailleurs, m’avait déjà mis des idées plein la tête… Je rapportais la chose à ma famille inconnue, et il me semblait impossible que ce cadeau ne fût point suivi de quelque autre… aussi, tant qu’a duré la journée, je me suis imposé la tâche de commettre folie sur folie…

— Je m’en rapporte à vous ! murmura Gertraud.

— Petite sœur, vous avez raison, car je m’y entends d’une manière admirable.

— Vous avez dépensé la bourse jusqu’au dernier louis ?

— Fi donc !… j’ai dépensé le quadruple, et je n’ai pas acheté tout le nécessaire, tant s’en faut !

— Et qu’allez-vous devenir ? demanda Gertraud.

— Bah ! s’écria Franz, et la fée, s’il vous plaît ?… J’avais commandé d’assez jolis meubles chez Monbro. Quoique je sois le plus mauvais cavalier du monde, j’avais donné des arrhes à Crémieux pour un petit anglais qui n’a pas son pareil dans tous les Champs-Élysées… J’avais bien jeté ça et là quelque autre argent par la fenêtre… et je revenais flottant un peu entre le plaisir de la fantaisie satisfaite et une manière de remords. Il y a si peu de temps que je suis riche ! Je rentrai dans mon hôtel de la rue