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Gertraud s’était assise et avait repris sa broderie. Elle semblait tout à son travail.

Franz était muet ; il y eut un long silence.

Au bout d’une grande minute, la jeune fille souleva imperceptiblement la soie de ses beaux cils, et glissa un regard oblique vers son compagnon.

Le pauvre Franz avait l’air bien triste, et cela contrastait péniblement avec sa récente gaieté. Le regard de Gertraud, qui était d’abord sournois et hostile, se radoucit par degrés insensibles.

Mais elle ne parla point encore.

— Vous ne l’avez donc pas vue ?… murmura Franz.

— Non, monsieur, répondit Gertraud, qui baissa les yeux sur sa broderie, avec le parti pris d’être impitoyable.

Franz poussa un gros soupir.

Il y eut un nouveau silence.

Au bout d’une autre minute, Gertraud releva une seconde fois ses longs cils. Franz avait la tête inclinée ; ses impressions soudaines et vives, comme celles d’un enfant, exagéraient tout ; il était désespéré.

La jeune fille eut pitié cette fois ; sa voix redevint douce et bonne.

— Aussi, murmura-t-elle avec un petit reste de rancune, pourquoi vous moquez-vous de Jean Regnault ?…

La figure de Franz s’éclaira.

— Vous l’avez vue, s’écria-t-il, et c’est pour vous venger que vous avez dit tout cela !

— Non, monsieur ; il ferait beau vraiment prendre tant de peine pour un méchant !

— Gertraud ! ma petite Gertraud ! supplia Franz ; — n’est-ce pas que vous l’avez vue ?

— On serait bien payée, monsieur, si l’on s’occupait de vos affaires !

— Mon Dieu ! s’écria Franz, qui aurait passé par le trou d’une aiguille ; — ce pauvre Jean !… ce bon Jean !… mais je l’aime, moi, savez-vous bien… Gertraud ! en grâce, dites-moi, si vous l’avez vue !

— Vous ne vous moquerez plus de lui ?