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dire, moi, ça m’a fait un bête d’effet… Ma parole, j’ai cru que j’allais pleurer.

— Et maintenant, interrompit Jean ; tu n’as plus déjà pitié de moi ?…

— Parole d’honneur ! ce n’est pas vrai, s’écria Polyte en se réchauffant un peu ; — je donnerais tout ce que j’ai pour te tirer d’affaire… et même j’emprunterais si j’avais du crédit.

Il s’arrêta pour tâcher de s’asseoir sur la pomme de sa canne.

— Mais je n’ai pas de crédit, ajouta-t-il brusquement : que veux-tu faire ?

— Tu parlais d’une maison de jeu… dit le joueur d’orgue en hésitant.

— C’est vrai… je ne suis pas à l’abri d’une sottise.

— Tu ne veux plus ?

— Mon fils, tout en croquant le marmot dans ces lieux solitaires, je me suis lâché un petit bout de méditation… il faut bien tuer le temps… Quand j’ai eu réfléchi mon content, je me suis dit : Polyte, vous êtes un grand niais… et voilà !

Jean comprenait de moins en moins.

— Je ne me suis pas mâché ça, continua le lion du Temple ; le fin mot, vois-tu, c’est qu’il n’y a pas moyen…

Tout à l’heure, Jean hésitait devant l’expédient proposé comme devant un crime, volontiers eût-il fait un pas en arrière. Maintenant qu’on lui barrait la route, la rage d’avancer le prenait. Tout homme est ainsi fait.

Cette maison de jeu, qui lui causait naguère tant de frayeur, il la convoitait maintenant avec une envie passionnée ; il voulait jouer à toute force, il n’avait plus peur de perdre.

Il semblait qu’on lui arrachait une chance certaine de salut.

— Et pourquoi n’y a-t-il pas moyen ? dit-il en se redressant avec vivacité.

— Tenez ! tenez ! grommela Polyte, le petit mordait tout de même… Ne vas pas me manger, mon bonhomme, ajouta-t-il tout haut ; — ce n’est pas moi qui suis la cause de cela.

— Mais pourquoi ?… dis donc pourquoi ? répétait le joueur d’orgue avec dépit et colère.

— Il est étonnant qu’un homme comme moi, répliqua Polyte d’un ton