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plus il se hâtait, plus ses mains embarrassées se perdaient dans les plis de la robe.

Dans le sentiment qu’il éprouvait, il y avait de vagues craintes et comme un remords ; la colère impatiente vint s’y mêler. De grosses gouttes de sueur mouillaient ses tempes.

Au moment où il commençait à désespérer, sa main sentit une ouverture dans l’étoffe de la robe, et toucha l’or convoité à travers les mailles de la bourse de soie.

Il tenait sa proie ; mais il ne pouvait s’en saisir encore : une des extrémités de la bourse était en effet engagée sous le corps de la vieille femme, et il fallait l’en arracher.

C’était un travail de patience. Jean se prit à tirer doucement, doucement ; la bourse ne cédait point, et l’aïeule allait s’éveiller.

Sa tête roulait sur l’oreiller, tandis que des paroles inintelligibles tombaient déjà de sa lèvre.

Ses bras allaient dans le vide ; on eût dit qu’ils cherchaient à presser un être cher.

— Mon fils ! mon fils !… murmura-t-elle enfin d’une voix étouffée, — ne me tue pas… je suis ta mère !

Jean ne savait trop si ces paroles s’appliquaient à lui ; sa tête se perdait, il sentait qu’il n’avait plus qu’un instant, et il tirait plus fort.

— Mon fils ! oh ! mon fils ! disait la vieille femme en s’agitant et en pleurant dans son rêve ; — je t’en prie, laisse-moi mon dernier espoir !

Jean n’avait plus guère de courage, parce qu’il appliquait ces mots aux cent vingt francs de la bourse.

Un coup d’œil jeté sur la figure de l’aïeule lui démontra suffisamment qu’elle n’était pas éveillée ; il essaya un dernier effort et la bourse vint, mais cela fit un choc. La vieille femme se dressa en sursaut.

— Jacques !… s’écria-t-elle.

Le joueur d’orgue prenait la fuite, il était à cinq ou six pas du lit déjà.

— Je n’ai pas rêvé, poursuivit madame Regnault, en secouant le bras de sa bru ; — mes yeux n’y voient plus guère, mais j’entends les pas d’un homme… Victoire ! Victoire !

Victoire leva la tête à son tour.