Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/677

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chose coûtera pas mal cher… Dix sacs pour nous, sans compter le Johann, qui ne me fait pas l’effet de travailler à l’œil (gratis)…

— Mettons vingt sacs !

— Eh bien ! je dis qu’un homme comme le Bausse ne jette pas comme ça mille napoléons par la fenêtre, pour l’histoire d’avoir une femme à lui tout seul !

Blaireau réfléchit un instant, puis il avala d’un trait son verre de rhum.

— Ça m’est égal, dit-il ensuite ; s’il fallait toujours se creuser la bobine, ça n’en finirait plus… On nous donne une besogne ! nous la faisons, ça suffit… en avant le violon !…

— En avant la bombarde !… répliqua Bonnet-Vert.

Ils se levèrent, joyeux de cœur et légers de conscience, comme d’honnêtes garçons qu’ils étaient. La salle s’emplit de nouveau de sons cacophoniques. Blaireau prit le bras de la duchesse, Mâlou celui de Bouton-d’Or, et le bal recommença plus gai que jamais.

Le chevalier, cependant, regagnait le cabaret de la Girafe, appuyé sur le bras de Johann.

— Quelles mœurs ! disait-il d’un ton plaintif, — croirait-on qu’il se passe dans Paris des choses semblables !…

— Ça m’a toujours beaucoup étonné, répondit le flegmatique marchand de vins.

— J’ai cru qu’ils en voulaient à ma vie !… Et ces créatures dangereuses !… Et ces faces de gibet !…

— Je ne vous avais pas annoncé un salon du faubourg Saint-Germain.

— Et ce spectre !… reprit le chevalier en frissonnant.

— Le pauvre Fritz !… commença Johann.

Le chevalier s’arrêta.

— Pensez-vous qu’il m’ait reconnu ? demanda-t-il.

— N’allez donc pas vous préoccuper de cela ! répondit Johann en haussant les épaules ; — il est ivre comme une toupie, et quand il n’est pas ivre il est à moitié fou… Allons, allons, Bausse, nous avons fait de bonne besogne ce soir ! Voilà trois de nos hommes trouvés, et j’ai bon espoir d’en dénicher un quatrième…