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— Donne-toi des grâces, madame la duchesse, disait-on derrière la fumée de tabac.

— Hardi, Blaireau ! un temps de polka pour la fin !…

— Voilà Bonnet-Vert qui porte Bouton-d’Or à bout de bras en valsant… et qui joue Vive Henri IV ! de l’autre main !…

— Ah ! le diable de Bonnet-Vert !…

Puis des voix de femmes :

— Portez-moi donc comme ça, Loiseau !

— Porte-moi donc comme ça, Petit-Louis !

— Et mets-y les deux mains, si tu veux !

Mais Loiseau et Petit-Louis n’étaient pas si forts que Bonnet-Vert, et leurs dames pesaient deux fois plus que Bouton-d’Or.

Au plus fort du tumulte, la sonnette du comptoir s’agita et la voix roide de la veuve Taburot prononça les paroles consacrées :

— Tâchez voir de ne pas faire de bêtises…

La contredanse finissait, on eut l’air d’obéir à la veuve du garde impérial et l’orchestre se tut.

En ce moment, les fenêtres, ouvertes pour rafraîchir la salle, chassèrent le nuage de fumée ; le chevalier put embrasser toute la scène d’un coup d’œil ; mais en même temps, sa tête qui passait par-dessus l’épaule de Johann fut aperçue de l’intérieur.

— Qu’est-ce que c’est que ça ? s’écria-t-on de plusieurs côtés à la fois.

— Tiens ! dit la petite Bouton-d’Or ; — c’te figure !… il a un bandeau sur l’œil… c’est peut-être bien l’Amour.

Le mot fut couvert d’applaudissements. En un clin d’œil, le pauvre chevalier se vit entraîné, malgré les efforts de Johann, et comme enclave dans une masse empressée de curieux.

Chacun le regardait sous le nez, les quolibets se croisaient. Le chevalier avait perdu plante…

— Oh ! quelle tête ! quelle tête ! dit Mâlou en l’examinant avec admiration ; il a pour soixante-quinze centimes de blanc et de rouge sur la joue !…

— Il faut l’exposer sur une table, ajouta Bouton-d’Or, — et on donnera un sou pour aller le regarder de près.