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Le Portugais, jusqu’alors, avait gardé un silence grave. Quand Petite levait les yeux, sa paupière se baissait ; quand Petite cessait de le regarder, il relevait les yeux, et l’on voyait comme un atôme de feu brûler au fond de sa prunelle encavée.

Il ne bougeait point ; sa taille se dressait longue et rigide auprès de la taille courte et légèrement obèse du chevalier, qui se trémoussait à chaque parole prononcée.

La demande de Sara était pour lui un ordre.

— Il y a un moyen, répondit-il de ce ton glacial et pédant qui lui était propre.

Petite et le chevalier prêtèrent avidement l’oreille.

— Esther, disait en ce moment M. Abel, qui s’ennuyait de ne point parler, — avez-vous vu Meeting, mon cheval du Lincolnshire ?

— Non, répondit Esther.

— C’est un bai, qui a gagné à Epsom… Je l’ai acheté trois cent cinquante guinées à lord Pursy, héritier de sa seigneurie George, comte Herrington.

— Ah !… fit Esther.

— Oui, madame… ce Meeting est fils de Waterloo et de Princesse Mathilde.

— Vraiment !…

— J’ai les titres… Waterloo, comme vous savez, était fils de Problème et de Chip-of-the-old-block.

— Je ne savais pas, murmura Esther, qui n’écoutait point.

— C’est étonnant ! dit Abel, tout le monde connaît cela… C’est Chip-of-the-old-block qui fit gagner trente mille gainées à lord Chesterfield, en 1819, aux courses d’Ascott… et son père, le fameux Peripatetician

Esther bâilla. Abel la regarda d’un air indigné et se tut.

Le docteur José Mira fut, suivant son habitude, quelques secondes avant de reprendre la parole. C’était un homme prudent qui pesait chacun de ses dires.

Petite et Reinhold l’interrogeaient du regard.

Quand il les eut fait attendre suffisamment, il baissa les yeux et murmura :