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Celui-ci demeurait roide et droit sur la causeuse ; son visage était de pierre ; on l’eût dit foudroyé.

Lia voulut reprendre sa main ; elle la trouva humide et glacée.

Des larmes lui vinrent dans les yeux.

— Otto ! s’écria-t-elle, Otto, je vous en supplie ! dites-moi ce que vous avez !

L’œil de Rodach pesait sur elle, morne et lourd ; mais il ne la voyait plus.

— Otto ! reprenait la pauvre enfant navrée ; — avez-vous quelque chose contre moi et ne m’aimez-vous plus ?…

Les sourcils de Rodach se détendirent et son regard s’éleva vers le ciel.

— Mon Dieu, murmura-t-il avec une amertume poignante, étais-je donc trop heureux !…

Lia se laissa glisser à genoux au-devant de lui ; ses larmes étouffaient sa voix, qui voulait prier.

Otto l’attira contre son cœur, et lui mit un baiser sur le front.

— Pauvre enfant ! murmura-t-il d’une voix grave et profondément triste, — je vous disais bien que cet amour vous porterait malheur.

— Mais pourquoi, mon Dieu ! pourquoi ?… balbutia Lia parmi ses sanglots.

Rodach la contempla durant une seconde en silence ; son regard s’adoucit ; elle était si belle !

— Quoi qu’il arrive, reprit-il, je vous aimerai toujours.

Lia ne comprenait point, mais elle eut un sourire au travers de ses pleurs, parce qu’Otto lui promettait de l’aimer.

Le son d’une grosse cloche retentit tout auprès d’eux dans le jardin ; Lia se leva en sursaut.

— C’est le dîner, dit-elle, si je tarde, on va peut-être venir…

Rodach se mit sur ses pieds à son tour. Il était comme un homme ivre ; le coup qui venait de le frapper l’avait touché en plein cœur.

Comme il se dirigeait, étourdi et chancelant, vers la porte, on essaya de l’ouvrir en dehors, puis on y frappa doucement.

Lia devint toute tremblante.