Esther ne répondit pas tout de suite ; sa figure prit une expression de défiance et de malaise.
— Décidément, dit-elle enfin avec une intention d’ironie, vous vous occupez beaucoup du baron de Rodach, ma sœur !
— Parce que je vous vois penser beaucoup à lui, ma chère !
Tout en prononçant ces paroles d’un ton léger et enjoué. Petite tourna la tête vivement vers une porte vitrée qui faisait face à la fenêtre, et qui donnait sur un corridor conduisant aux bureaux.
— Qu’est-ce donc ? demanda Esther.
— Il m’a semblé entendre un bruit de pas, répliqua Petite.
Toutes deux prêtèrent l’oreille ; on n’entendait rien.
— Je me serai trompée, reprit Sara au bout de quelques secondes ; — mais l’heure avance, et ces messieurs vont venir… Chère, vous ne voulez donc pas me dire que vous avez aimé le baron de Rodach ?
— Quelle folie !…
— Prenez garde ! je vais croire que vous l’aimez encore… Et vraiment, il n’y aurait pas de quoi se défendre ! Le baron est un des plus charmants cavaliers que j’aie rencontrés jamais !
— Comme vous en parlez avec feu ! dit la comtesse, dont les lèvres se pincèrent.
— Oh ! moi, je suis franche, repartit Petite ; je vous avouerai bonnement que je l’ai adoré !
— Ah !… fit Esther.
— C’est pour lui que j’ai fait le dernier voyage d’Allemagne… Pendant un mois tout entier, je n’ai pas regardé une carte.
— Et maintenant, l’aimez-vous encore ?
— Non, répondit Petite avec un accent de sincérité.
Esther la regarda durant quelques instants, puis elle se prit à sourire.
— Eh bien ! dit-elle, je veux imiter votre franchise, Sara ; c’est pour lui que j’ai fait mon voyage de Suisse… Mais je ne suis pas si heureuse que vous : je crois que je l’aime encore…
— Quel mal ?…
— Voilà Julien revenu !