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Rien ne l’arrêtait. À cette heure même où elle était frappée rudement et à l’improviste, elle ne déserta point la tentation commencée.

— Une lettre du docteur ! murmura-t-elle en poussant du pied dans les cendres le dernier fragment de papier. — Je l’avais chargé d’une commission qu’il n’a point su faire.

Elle prit une des mains de la comtesse, et la caressa entre les siennes.

— Comme ce sera la première fois, poursuivit-elle, nous prendrons toutes nos précautions… Batailleur elle-même ne saura rien… Nous nous glisserons dans le confessionnal, et nous ne bougerons pas… Tu verras toutes ces têtes curieuses se lever au premier bruit que nous ferons derrière le rideau… « C’est la princesse ! c’est la princesse !… » Il y a un Anglais qui a offert cinq cents guinées à Batailleur pour avoir le droit de soulever un coin de la draperie…

Elle s’interrompit et reprit tout bas :

— Viendras-tu ?

— Tu es un démon, Sara !… murmura Esther.

Petite l’embrassa en riant.

— Tu viendras, dit-elle. Mon Dieu, comme elle aime à se faire supplier !… Quand je pense qu’avant un mois elle ne saura comment me remercier… Tu viendras ce soir ?

— Impossible ! répondit Esther.

— Parce que ?…

— J’ai des occupations.

— Un rendez-vous ?…

— Peut-être.

— C’est respectable… mais ne pourrait-on savoir ?

— Impossible encore !

Les paupières de Petite se baissèrent à demi ; elle regarda la comtesse par dessous la frange soyeuse de ses cils.

— Pauvre belle ! murmura-t-elle ; tu as la monomanie du mystère… mais je te devine.

Esther secoua la tête.

— Je parie qu’il s’agit du baron de Rodach, poursuivit Sara dont le regard se faisait plus perçant.