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trait-il, avait été employé de Geldberg… j’aurais dû le savoir… je le vis un jour à la maison de jeu, et certes je ne courais aucun risque, puisque les rideaux de la loge étaient entre moi et son regard… mais il me plut ; je ne me rappelle pas avoir eu un caprice plus vif et plus soudain en ma vie !… Je perdis toute prudence ; ce fut moi qui fis les premiers pas, et, sur mon ordre, Batailleur l’introduisit dans le confessionnal de la princesse…

Petite dit cela sans rougir, Esther ne se montra point scandalisée.

— Voilà votre unique argument, reprit Sara. — Franz ! toujours Franz !… les faits se sont chargés de me fournir une réponse, et je vous jure bien, chère sœur, que Franz n’élèvera jamais la voix contre moi…

Une servante entra en ce moment ; elle avait une lettre à la main.

— De la part de monsieur le docteur, dit-elle.

Sara prit la lettre ; la servante sortit.

Petite défit le cachet avec une répugnance ennuyée.

— Que cet homme me fatigue ! murmura-t-elle.

Son regard tomba sur la lettre ouverte. — Une pâleur soudaine couvrit son visage, et une contraction violente plissa la ligne délicate de ses sourcils.

La lettre disait :

« Madame,

» Suivant votre désir, je vous rends compte à la hâte du résultat de notre duel ! Le jeune F… en est sorti sain et sauf ; c’est V… qui a été blessé. »

Durant une seconde. Petite resta comme pétrifiée.

Il y avait en elle une rage sourde et furieuse. Sous ses paupières baissées, sa prunelle brûlait.

— Ils n’ont pas pu ! pensa-t-elle, tandis que ses dents serrées refusaient passage à son haleine ; — ils me l’ont laissé vivre… je vois bien qu’il faudra que je m’en mêle !!!

Son œil fixé sur le sol avait cette même expression menaçante et terrible que nous lui avons vue, lorsqu’elle regardait son mari, à genoux et brisé par la souffrance.