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qui agitaient doucement l’étoffe légère de son peignoir, on l’aurait pu prendre pour un rêve de poëte, taillé dans le marbre de Paros.

— Comme elle est jolie !… murmura Esther.

Les sourcils de Petite se froncèrent.

— Elle a dix-huit ans, répliqua-t-elle.

Esther ne sentit point ce qu’il y avait d’amertume jalouse dans cette réponse. Elle rendit la lorgnette à Sara.

— Et qui vous fait croire, demanda-t-elle, — que ce sont des lettres d’amour ?

— Je n’ai pas dit que je croyais, repartit Petite ; j’aime à savoir et je m’informe… Ces lettres sont d’un homme ; il y en a beaucoup, et j’en ai lu deux.

— En vérité !…

— Mon Dieu ! je suis bien mal tombée… Ces deux lettres en disaient juste assez pour me donner envie de connaître le reste… elles étaient courtes ; elles n’expliquaient rien ; elles ne portaient aucune signature.

— Alors vous ignorez le nom ?…

— Jusqu’à présent, interrompit Petite ; mais je le saurai… Je vous assure, Esther, que je n’ai rien contre cette petite fille… Elle est notre sœur, nous devons l’aimer, c’est évident… mais je ne puis oublier qu’elle a reçu bien froidement nos premières caresses, et que nos avances ont presque été repoussées.

— Je crois que vous vous trompez, Sara… les premiers jours, au contraire, Lia semblait tout heureuse de nous parler et de nous voir… c’est plus tard que la froideur est venue.

Petite ne supposait point sa sœur capable de pousser si loin l’observation.

— Qu’importe, interrompit-elle, que la froideur soit arrivée tout d’abord ou plus tard ? il est certain qu’elle est venue !… Depuis près d’un an que Lia est à Paris, pouvez-vous citer une occasion où elle se soit volontairement rapprochée de nous ?

— Elle est timide, dit Esther.

— Elle ne nous aime pas, répliqua Sara.

— Si fait… mais elle nous connaît à peine, elle a été élevée loin de