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bilité… Qui donc s’aviserait de penser que la comtesse Esther, par exemple ?…

Elle s’arrêta pour sourire.

— C’est ce qui nous sauve ! poursuivit-elle. Représente-toi une grisette fiancée à un ouvrier… L’ouvrier rencontre au bal une pierrette qui lui paraît ressembler à sa promise… à bas le masque ! ces bonnes gens n’y mettent point de façons ; mais voici le vicomte Julien d’Audemer qui se promène avec toi pendant trois heures, qui cause avec toi, qui soupe avec toi…

Esther était toute pâle à ce souvenir.

— Et qui ne te reconnaît pas ! s’écria Petite d’un accent de triomphe ; — ceci, vois-tu bien, vaut une démonstration en règle… une petite bourgeoise est moins exposée qu’une grisette ; la femme d’un notaire est moins exposée qu’une petite bourgeoise ; une vraie dame est moins exposée encore que la femme d’un notaire… mais une grande dame !… une grande dame n’est pas exposée du tout.

— On ne peut pas toujours avoir un masque et un domino… commença Esther.

Petite haussa les épaules.

— Hélas ! hélas ! dit-elle, quelle raison vous me donnez là, Esther ! Un masque et un domino ne cachent point les personnes de peu… Je ne sais pas, pour ma part, de meilleur voile que la prudence, soutenue par une bourse pleine… M’a-t-on découverte jamais, moi qui vous parle ?

— Ce petit Franz…

— Il est mort !

— D’autres, peut-être…

— Jamais, ma chère !… cela est si vrai, que j’ai été obligée de me vanter auprès de mon mari, pour lui mettre en tête un soupçon dont j’avais besoin…

Esther la regarda d’un air effrayé.

— Pauvre M. de Laurens ! murmura-t-elle…

— Plains-le ! s’écria Petite en éclatant de rire. — Il y a dix ans qu’il est le plus heureux époux de Paris !… Ceci est de notoriété publique… Et vraiment, s’il avait voulu…

L’accent de Sara changea tout à coup ; elle s’interrompit au mi-