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CHAPITRE VI.

DEUX SŒURS.

Reinhold s’était reculé tant qu’il avait pu, et il était adossé à la muraille, dans un coin de l’antichambre.

Le jour commençait à devenir plus sombre, et l’obscurité croissante aidait à l’illusion de la mère Regnault. Mais cette illusion n’avait pas besoin d’aide ; en plein midi, elle eût été aussi forte qu’à présent.

La pauvre mère était le jouet d’un véritable rêve ; pour l’éveiller il fallait un coup de massue.

En ce moment, Reinhold, poussé jusque dans ses retranchements, aurait eu bonne envie de produire cette secousse qui devait amener le réveil ; mais il avait désormais gardé si longtemps le silence, qu’il hésitait à prendre la parole.

Il avait bonne volonté de mal faire ; mais, en face de cette situation, comme ailleurs, il était lâche.

— Hélas ! je suis si vieille, reprit madame Regnault ; — Jacques, c’est pour te prier que je suis venue… mais Dieu m’est témoin que je veux te prier… toutes tes sœurs et tous tes frères sont morts… il ne reste plus avec moi que Victoire, la femme de mon bon Joseph, avec ses deux enfants… oh ! Jacques, ils n’ont pas de pain ; mon malheur est trop pe-