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CHAPITRE IV.

GUNTHER LE SORCIER.

Gunther de Bluthaupt était un vieillard malingre et cassé, dont les traits pâles exprimaient une grande faiblesse d’esprit jointe à un puéril entêtement. Son visage n’était pas néanmoins Sans fierté ; il gardait quelque chose des grandes manières que lui avait enseignées l’éducation de sa jeunesse. Mais c’était un contraste étrange : tandis que sa tête chenue se redressait avec hauteur, son regard exprimait une sorte de respect craintif.

Il était le maître et le seigneur. Son siège dominait comme un trône les sièges de ses compagnons, et pourtant un observateur eût deviné bien vite chez cet homme un esclavage mystérieux. Il y avait dans le regard timide qu’il promenait sur ses hôtes une déférence qui ressemblait à de la soumission.

Au-dessus de sa tête, sur la tablette de la cheminée, était posé un gobelet d’or, marqué aux armes de Bluthaupt. — À ses pieds, dans un coin du foyer, un petit fourneau supportait un vase où bouillait doucement un liquide noirâtre.

Toutes les demi-heures environ, l’homme sec et long versait dans le gobelet trois ou quatre cuillerées du contenu du vase, et le présentait au vieux comte avec un grave salut.