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— Cela dura deux ou trois mois, reprit-il. On peut vivre des années seul et triste, après quelques jours d’un si grand bonheur !… Monsieur le baron, avez-vous deviné qui était cet homme ?

— Non, répondit Rodach d’un air distrait.

José Mira le regarda un instant en silence. On eût dit que ses yeux caves, et dont la prunelle morne n’avait jamais reflété peut-être un sentiment de pitié, allaient pleurer.

— C’était moi ! continua-t-il d’une voix étouffée.

Le baron ne manifesta point de surprise.

— Entendez-vous, monsieur ! s’écria le docteur avec une sorte d’emportement, — c’était moi ! Je m’étais glissé auprès de l’enfant sans défiance ; j’avais dépensé des années à façonner ce cœur à ma guise, et, pour ce long travail, j’eus deux mois de bonheur !… Devinez-vous ?… Après ces deux mois, je restai amoureux, plus amoureux !… je devins fou ; on me fit esclave !… et, depuis ces deux mois, quinze ans se sont écoulés !…

Les lèvres de Mira tremblaient convulsivement, et la pâleur de sa joue était livide.