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je comptais sans un infernal contre-temps qui me coûte assurément plus cher qu’à vous… »

— Plus cher qu’à moi ! siffla Reinhold ; avez-vous vu un maraud pareil !…

« Toutes nos mesures étaient bien prises, comme vous savez, continua de lire le baron de Rodach ; — le jeune homme en question et moi nous devions nous rencontrera sept heures au bois de Boulogne ; j’y étais le premier, comme c’était mon devoir ; mais au lieu du blanc-bec attendu… »

— Il plaisante encore ! grinça Reinhold.

« Au lieu du blanc-bec attendu, poursuivit le baron, j’ai trouvé un grand escogriffe d’Allemand avec qui j’avais eu quelques querelles de jeu autrefois… À dire vrai, je n’avais pas grand’chose à refuser à ce diable d’homme, qui en sait assez long sur mon compte pour m’envoyer là où je ne veux point aller… »

— Au bagne, l’atroce fripon ! grommela encore Reinhold.

« Cependant, poursuivit le baron, quand il m’ordonna de laisser notre jeune homme en repos, je refusai tout net. Il me fit alors mettre l’épée à la main, malgré moi, et me planta un dégagé dans la poitrine… »

Le baron s’interrompit à cet endroit, et hocha la tête en homme qui médite profondément.

— Tâchez de vous calmer, monsieur le chevalier, dit-il d’un ton presque sévère ; — nous avons besoin de réfléchir mûrement… Ceci est grave, voyez-vous, et tendrait tout bonnement à prouver que le jeune homme a des protecteurs occultes…

— C’est vrai ! dit José Mira qui prit un aspect plus sinistre.

— Sans doute, c’est vrai !… ajouta Reinhold ; mais qui sait si ce drôle de Verdier ne nous trompe pas !…

— Quel intérêt aurait-il à vous tromper ? demanda le baron.

Reinhold ouvrit la bouche pour lancer de nouveaux anathèmes contre son bravo malheureux ; mais à mesure que sa colère tombait, la raison revenait en lui, et il voyait l’aventure sous un tout autre aspect.

L’observation de M. de Rodach l’avait poussé vers un nouvel ordre d’idées.

— C’est vrai, dit-il enfin, si Verdier ne ment pas, ceci nous amè-