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— Il y a du pour et du contre, dit José Mira d’un ton de profond connaisseur.

— Il y a du pour et du contre, répéta Reinhold ; — d’abord nous ne savions pas du tout à qui nous avions affaire…

— Et puis, ajouta le docteur avec un soupir de regret, nous ne sommes plus ici en Allemagne !… Ah ! monsieur le baron, quelle différence entre Paris et ce bon vieux schloss, encombré de serviteurs stupides ou vendus, à qui l’on faisait croire tout ce qu’on voulait !…

— Ici, reprit Reinhold, il faut changer d’allures !… Notre ami Nesmer vous a sans doute raconté les moyens employés par nous auprès de Gunther de Bluthaupt !…

— Il m’a tout raconté, répondit Rodach, et j’ai trouvé votre conduite à tous les six aussi adroite qu’audacieuse.

Reinhold se rengorgea, et le docteur reprit pour un instant son air de pédantisme bouffi.

— Mais, en cette circonstance, poursuivit le baron, vous avez démenti quelque peu, je l’avoue, la bonne opinion que j’avais de votre savoir faire.

— Permettez… voulut interrompre Reinhold.

— Et je vois bien, continua le baron, qu’il faudra que je vous vienne en aide, si je veux en finir avec ce jeune homme, qui met perpétuellement en question notre avenir à tous et notre fortune !

Le docteur éprouvait une jouissance évidente à entendre Rodach s’exprimer ainsi. Son visage, défiant et cauteleux tout à l’heure encore, exprimait maintenant quelque chose comme de la sympathie. À chaque mot, Rodach faisait manifestement un pas de plus dans son estime.

Le chevalier, au contraire, souffrait dans son amour-propre. Il était singulièrement sensible au reproche d’impuissance contenu dans les derniers mots de Rodach.

— Certes, monsieur le baron, dit-il d’un air piqué, — votre aide nous sera toujours très-précieuse… Mais, dans cette circonstance, je suis forcé de vous le dire, elle vient un peu tard…

— Comment, s’écria Rodach, qui réussit à donner à son visage une expression de joyeuse surprise, — ce jeune garçon serait-il ?…