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— Mais si la besogne n’est faite qu’à moitié ? dit le docteur, qui se mit à chercher de son côté.

— Laissez donc ! s’écria le chevalier, si j’ai envie d’avoir cette lettre, c’est qu’il ne serait pas bon de laisser traîner une missive de ce genre ; car, pour ce qui est de son contenu, je ne conserve pas l’ombre d’un doute… Mais où ai-je donc pu fourrer ce diable de chiffon ?

Ses poches avaient été retournées l’une après l’autre, sans succès aucun.

— C’est M. le baron qui est cause de cela, dit-il en cachant son dépit sous une apparence de plaisanterie ; — mon intention a d’abord été absorbée par les nouvelles attendues de Francfort ; puis ce cher M. de Rodach nous a dit des choses tellement intéressantes, que cette maudite lettre a passé pour moi inaperçue…

— Je voudrais savoir, interrompit M. de Rodach, — le rapport qui peut exister entre le jeune homme dont il est question et cette lettre perdue ?

Reinhold sourit avec vanité.

— Ceci est un petit tour de ma façon, murmura-t-il.

— Je voudrais savoir surtout, reprit le baron de son ton le plus calme, — comment il se fait que M. le chevalier de Reinhold et don José Mira, sans parler du vieux M. de Geldberg, qui, paraît-il, ne se mêle plus d’affaires, n’ont point trouvé encore le moyen d’envoyer le fils du diable chez son père.

Cette banale plaisanterie était tout à fait en désaccord avec l’accent et les manières de M. de Rodach. Elle eut néanmoins un très-remarquable succès auprès des deux associés : Reinhold éclata de rire, et Mira fit cette grimace qui exprimait chez lui l’hilarité.

— Excellent ! baron, excellent ! s’écria le chevalier. Âht ah ! ce fils du diable qu’on renvoie à son père me paraît du dernier joli… Au fait, je conçois que l’existence de ce petit drôle doit vous sembler très-bizarre…

— Eu égard surtout à votre habileté reconnue, répliqua Rodach ; je pense que cet enfant était moins difficile à faire disparaître que le vieux Gunther de Bluthaupt et Margarethe…