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Rodach mit un doigt sur sa bouche.

Klaus se tut aussitôt et ses traits seuls continuèrent d’exprimer son étonnement.

— Approche ici, lui dit le baron.

Klaus obéit.

— On m’avait bien dit, reprit Rodach, que je te trouverais dans la maison du juif… mais on ne m’avait pas dit que tu avais oublié les traits de tes anciens maîtres.

La pâle et grave figure de l’Allemand se colorait d’un rouge vif ; ses paupières tremblaient, et il y avait dans ses yeux une émotion profonde.

— Gracieux seigneur… commença-t-il.

— Chut ! fit Rodach ; ces titres, qui ne m’appartiennent point, sont ici un danger… Je m’appelle le baron de Rodach, si tu ne me connais pas.

— Comment, je ne vous connais pas !… s’écria l’ancien chasseur de Bluthaupt.

— Je suis le baron de Rodach, te dis-je, et il ne faut point que tes nouveaux maîtres puissent soupçonner mon véritable nom… Tu as mon secret ; es-tu capable de le garder ?

Klaus mit sa main sur son cœur.

— Je suis capable de faire tout ce que vous ordonnerez, gracieux seigneur, répondit-il. Non, oh ! non, sur ma foi d’Allemand ! je n’ai oublié ni vous, ni votre noble père… Je suis un pauvre homme, et je loue mon travail à qui veut le payer… mais mon cœur est à mes anciens maîtres, et si vous me voulez pour serviteur, vous n’avez qu’un mot à dire.

— Voilà qui est bien parlé, mon garçon, répliqua Rodach ; tu es un brave cœur, et je te reconnais pour un des nôtres… Touche là.

Klaus mit sa main dans celle du baron, de l’air d’un vassal qui ferait hommage lige à son suzerain. Il n’avait plus cette allure roide et empesée que nous lui avons vu naguère : c’était là son masque officiel. — Il revêtait ce visage grave en même temps que son grand habit noir, qui lui donnait la tournure d’un éligible.

Maintenant il avait une figure naïve et bonne, où se peignait toute la sincérité de son dévouement.

— Avez-vous quelque chose à m’ordonner ? demanda-t-il.