Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/411

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vrées, celle de Geldberg était reconnaissable à son bon goût et à sa tournure aristocratique.

Chaque garçon qui sortait tenait sur son épaule une sacoche enflée.

La caisse de Geldberg était comme ces fontaines publiques où chacun vient puiser, tant que le jour dure, et qui ne tarissent jamais…

Un fiacre, qui venait du côté des boulevards, arriva au trot inégal de ses rosses étiques, et arrêta son coffre de sapin terne et crasseux derrière la caisse éblouissante d’une calèche, qui sentait d’une lieue son faubourg Saint-Germain.

Le cocher du fiacre descendit de son siège, et ouvrit la portière à M. le baron de Rodach, qui sauta sur le trottoir.

Pour arriver à la porte de l’hôtel, le baron fut obligé de s’ouvrir un passage parmi les groupes de laquais poudrés, qui causaient affaires et politique en attendant leurs maîtres.

Sous les carricks couleur de cuir, et sous les longues redingotes blanches à boutons blasonnés, il y avait là vraiment des mines assez impertinentes pour faire florès dans de certains salons — et fortune à la bourse.

Le baron, que l’on avait vu sortir de son malheureux fiacre, fut toisé comme il faut par toute cette valetaille, qui a des goûts d’artiste romantique, et tient au plus bas de son mépris la modeste bourgeoisie.

Il se faufila de son mieux, dérangeant ces messieurs le moins possible, et parvint à la porte des bureaux, où l’attendait un autre obstacle. Il y avait là un flux et un reflux d’entrants et de sortants ; il fallait prendre tour.

Le baron parvint enfin à saisir un petit passage entre deux sacoches perchées sur des épaules grises, et s’introduisit sans heurter personne.

Dans l’antichambre, il y avait ce bel homme dont les commerçants plus modestes font l’économie, en écrivant sur leurs portes : Tournez le bouton, s’il vous plaît.

Ce bel homme ne servait à rien non plus que l’antichambre.

Il fallait entrer, en effet, dans une seconde pièce pour trouver à qui parler.

C’était une chambre toute carrée et toute nue qu’entouraient des banquettes de maroquin vert. Nous appellerons cette seconde pièce l’anti-