Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/410

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE XI.

L’ANTICHAMBRE.

Il n’était pas encore midi, les magnifiques bureaux de la maison de Geldberg, Reinhold et Compagnie avaient leur armée de commis au grand complet. Bien que ce fût en quelque sorte jour de fête, on travaillait dans toutes les cages à employés ; les plumes de fer grinçaient sur le papier réglé des gros registres, et l’argent, compté à grand fracas, envoyait sa stridente musique jusque dans la rue.

Les passants, attirés par ce bruit, jetaient des regards envieux vers les fenêtres du rez-de-chaussée de l’hôtel, et quelque pauvre diable, arrêté devant les barreaux de fer qui défendaient chaque croisée, s’enivrait au son des écus de cinq francs, comme les Auvergnats affamés s’enivrent à la savoureuse fumée des cuisines souterraines du Palais-Royal.

On se disait : c’est la grande maison de Geldberg ! la maison du juif ! dont la caisse contient de quoi acheter Paris et la France !

On faisait le compte des capitaux remués par cette puissance commerciale, et beaucoup avouaient que, si le sort leur donnait à choisir, ils aimeraient mieux être héritiers du vieux M. de Geldberg que fils du roi.

Cinq à six voitures armoriées stationnaient devant la porte cochère, qui était ouverte, et donnait passage incessamment à des garçons de caisse portant des livrées des diverses banques parisiennes. Parmi toutes ces li-