Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/405

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Mais, enfin, que sont-ils devenus ?

— Ils sont en prison, Julien… en prison, sous une accusation de meurtre.

— À Vienne ?

— À Francfort.

— Et Francfort est-il loin du château de Geldberg ?

— Quelques lieues seulement, je pense… Pourquoi cela ?

— Parce que je compte, ma mère, aller visiter dans leur prison mes oncles, Otto, Albert et Goëtz.

La vicomtesse le regarda étonnée.

— Vous ferez ce que vous voudrez, Julien, dit-elle, vous êtes d’âge maintenant à juger leurs conseils… Moi, tout en les aimant de bon cœur, comme je le dois, je me défie ; et, pour en revenir à ce qui nous a mis sur ce sujet, je regarde comme une fable indigne cette accusation dirigée contre le bon chevalier de Reinhold… Du reste, vous le connaissez comme moi ; quel est votre avis ?

— Mon avis est le vôtre. Madame, répondit Julien, qui était devenu rêveur.

— Et savez-vous qui vous a remis ce chiffon ?

— Non, madame.

— Vous savez à tout le moins où vous l’avez reçu ?

Julien hésita durant une seconde, puis il répondit ;

— Au bal masqué de l’Opéra-Comique.

— Cette nuit ?

— Cette nuit.

La vicomtesse le regarda en face, et partit d’un éclat de rire qui n’avait rien de forcé.

— Et moi qui le plaignais !… s’écria-t-elle, et qui m’inquiétais bonnement de son air fatigué !… Nous savons maintenant d’où vous vient cette pâleur, monsieur le vicomte… Vous avez bien employé, ma foi, les premières heures de votre congé… cela promet !

Elle l’attira vers elle et le baisa gaiement.

— Grand enfant ! reprit-elle, et vous venez m’entretenir sérieusement de vos folies de bal masqué !… Vous ne voyez pas qu’on s’est moqué de