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saviez, monsieur Franz, comme elle est douce et comme elle a bon cœur !…

Franz rougissait à chaque instant davantage, et ses efforts ne servaient qu’à rendre son trouble plus marqué.

Les yeux de la gentille Gertraud s’éveillaient, comme si une pensée soudaine eût traversé son esprit. — Son sourire s’imprégnait de malice joyeuse.

— Elle me dit ses petits secrets, reprit-elle doucement ; — nous avons joué ensemble au temps de notre enfance, et mademoiselle Denise s’en souvient… Ah ! monsieur Franz, celui qu’elle aime sera un homme heureux.

Franz laissa échapper un gros soupir ; sa langue le démangeait, mais il ne parla point.

Gertraud fit semblant de reprendre son travail ; mais tout en poussant son aiguille avec une adresse agile, elle glissa un regard sournois vers Franz, qui était debout devant elle.

Elle vit la figure du jeune homme s’épanouir et ses yeux briller, comme si on eût mis du bonheur plein son âme.

Au moment où Franz s’applaudissait et se déclarait lui-même un héros de discrétion, la petite Gertraud éclata de rire.

— Monsieur Franz ! monsieur Franz ! dit-elle, en remettant sur lui ses yeux espiègles, mais bons, — hier, en vous voyant, j’ai pensé tout de suite que je vous avais rencontré quelque part… j’ai cherché longtemps, et voilà que je me souviens !… c’est sous les fenêtres de mademoiselle Denise d’Audemer que je vous ai rencontré, monsieur Franz !

Le jeune homme, pris à l’improviste, voulut nier.

— Non, non, poursuivit Gertraud, — je sais bien que je ne me trompe pas ! vous étiez dans la rue et vous regardiez… oh ! comme vous regardiez, monsieur Franz !… Et, quand je montai, je trouvai mademoiselle Denise qui soulevait un petit coin de son rideau et qui vous regardait aussi…

— Est-ce bien vrai ! s’écria Franz.

Au moment où Gertraud allait répondre, le marchand d’habits rentra, tenant à la main la garde-robe achetée.

La jeune fille reprit son travail avec ardeur, comme si elle eût voulu réparer le temps perdu.