Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/363

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Franz, qui avait continué de s’avancer, lui tendit la main en souriant. Au contact de cette main, le marchand d’habits eut comme un frisson de plaisir.

— Ma foi, mon brave Monsieur, dit le jeune homme, je ne croyais cas qu’il y eût au monde un homme pour s’intéresser si franchement à moi… Je ne sais pas si c’est la sympathie, mais il me semble que vous êtes pour moi un ami de quinze ans… J’ai oublié votre nom, que je n’ai entendu prononcer qu’une seule fois dans le Temple… je n’ai jamais su celui de votre jolie fille, et pourtant je ferais pour elle tout ce qu’on fait pour une sœur, et j’aurais confiance en vous comme en un père.

Hans serrait sa main entre les siennes, et mille questions se pressaient sur ses lèvres.

— Ah ! çà, poursuivit Franz, qui avança un siège et qui prit place sans façon, — vous m’avez interrogé hier, et je vous ai répondu, comme je fais à tout le monde… Je crois n’avoir rien à cacher… mais maintenant que je réfléchis, une idée me vient… je suis dans une position où peu de chose suffit pour mettre martel en tête… il faut me pardonner, si je crois toujours trouver des gens qui en savent sur moi beaucoup plus long que moi-même… si c’est une folie, chassons-la tout de suite, et dites-moi bien franchement que la curiosité seule inspirait vos questions d’hier ?…

Hans Dorn hésita durant un instant. Pendant qu’il hésitait, l’expression de sa physionomie changea presque complètement. Un observateur expert eût deviné sans peine le sens de cette transformation subite. Évidemment, le marchand d’habits s’était laissé aller, jusqu’alors sans défiance, au courant de ses impressions ; maintenant il recouvrait sa présence d’esprit, et son sang-froid revenu lui montrait un danger à éviter ou un secret à garder.

— Je n’ai pas le droit de parler, pensa-t-il. — Il ne m’a pas dit quels sont ses projets sur le jeune homme…

— Monsieur Franz, reprit-il tout haut en tâchant de donner à sa voix un accent de calme, — je ne vous avais jamais vu avant hier au soir… Si je vous ai fait des questions, c’est que la loi nous oblige à prendre des renseignements sur nos vendeurs, bien plus de renseignements que je ne