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avait trouvé sur sa route le charmant sourire de Gertraud et qu’il s’était amusé en chemin.

D’ailleurs il n’avait point eu besoin d’expliquer sa venue. On l’avait reçu comme un homme attendu. Gertraud avait la joie peinte sur le visage et le marchand d’habits semblait prêt à se pâmer d’aise.

— Les bonnes gens que voilât se disait Franz, — et comme ils tiennent à leurs pratiques !…

Il n’en pensa pas beaucoup plus long que cela. Il était trop jeune et trop franc de cœur pour que la défiance put entrer ainsi de prime-abord dans son esprit. Il trouvait bien la dose d’intérêt excité un peu exagérée, mais, en définitive, c’était tant mieux, et il n’avait qu’à faire un retour sur lui-même pour expliquer ces chaudes et soudaines impressions.

Il avait si souvent jeté sa confiance à la tête du premier venu, en amitié comme en amour ! il s’était tant pressé ! Il n’avait, pour juger autrui, que sa propre mesure, et ce brusque intérêt qu’on lui montrait à l’improviste ne dépassait point pour lui les bornes du vraisemblable.

C’était ainsi qu’avaient commencé ses liaisons, presque toujours éphémères et qui, pour la plupart, n’avaient point laissé de traces en son souvenir, mais qui, mortes comme elles étaient nées, sans cause et par hasard, n’avaient point ralenti l’élan de sa franchise étourdie.

Comme il n’était point à la hauteur de l’émotion de Hans Dorn, il s’étonnait un peu, mais c’était tout.

— Mon brave Monsieur, dit-il, en s’avançant vers lui, — si c’est ma vue qui vous cause toute cette joie, cela me fait plaisir et je vous en remercie.

Hans le regardait avec des yeux charmés et ne trouvait point de paroles pour répondre. Il restait debout, le dos tourné à sa table de travail, et son regard semblait ne point pouvoir se détacher du visage hardi et gracieux de Franz.

— Comme le voilà grand ! se disait-il en dedans de lui-même ; comme le voilà fort !… Et pas une blessure ! ajoutait-il, tandis que son œil le parcourait des pieds à la tête. Oh ! j’étais bien fou de craindre !… Ne m’avait-il pas dit que l’enfant serait sauvé ?… et ce qu’il veut, ne le fait-il pas toujours ?…